Deux auteurs, Werner van den Belt et Bob Hardus, ont publié en 2021 aux éditions WBooks un très bel ouvrage richement illustré consacré aux peintres des dunes et des champs de fleurs. Cet ouvrage n’existe qu’en néerlandais et vaudrait la peine d’être traduit en français. Ce livre présente des œuvres d’artistes du XVIIe siècle à nos jours, qui, fascinés par les paysages chatoyants de Hollande, ont peint des tableaux merveilleux de champs de fleurs multicolores. Les auteurs y décrivent également l’engouement des peintres du XIXe siècle pour les scènes villageoises des bords de la Mer du Nord.  Les thèmes de prédilection de ces artistes furent alors les pêcheurs, les barges à fond plat appelés en néerlandais « bomschuit » et les dunes à perte de vue.

Chaque année, plus d’un million de touristes visitent Keukenhof à Lisse, le célèbre parc floral néerlandais situé entre les villes d’Haarlem et de Leyde aux Pays-Bas. Les sociétés florales de la région y exposent leurs plus beaux bulbes à fleurs depuis 1949. Le parc d’exposition est entouré de champs de fleurs qui font partie des paysages les plus typiques des Pays-Bas et qui ont inspiré de nombreux artistes néerlandais et étrangers. Ces images nous sont tellement familières que nous pensons déjà tout savoir sur ces fleurs que sont la tulipe et la hyacinthe qui ont fait et font encore la gloire et la fortune des Pays-Bas. Pourtant, cette histoire recèle encore bien des secrets qui nous sont en partie dévoilés dans ce magnifique ouvrage qui comporte plus de 200 illustrations en couleurs.

Traditionnellement, on attribue à Charles de l’Ecluse (Arras 1526-Leyde 1609), plus connu sous son nom latin Carolus Clusius, l’introduction des bulbes de tulipe à Leyde qu’il aurait ramené de Vienne où, exerçant la fonction de botaniste à la cour de l’empereur Maximilien II, il avait aménagé un vaste jardin de plantes médicinales. L’Hortus Botanicus de Leyde fut fondé en 1590. Clusius en est devenu le premier « préfet » (directeur). Les tulipes firent grande impression sur les citoyens de Leyde, en particulier sur les personnes fortunées qui souhaitaient voir les jardins de leurs maisons de campagne décorés de ces merveilleuses fleurs.  La tulipe est ainsi devenue une fleur à la mode. 

La tulipe, destinée à l’origine aux botanistes et aux pharmaciens, tomba entre les mains de spéculateurs dans les années 1620 et 1630 qui en firent commerce. À l’approche de 1637, date du fameux krach de la tulipe, la fleur devint un symbole d’égoïsme et de cupidité, racontent les auteurs du livre. Sa beauté enchanteresse avait transformé toute une génération d’honorables citoyens en spéculateurs avides n’ayant qu’un seul objectif en tête : des retours sur investissement rapides. Les peintures et les gravures de cette époque connues sous le nom de « tulipomania » mirent en scène des singes qui symbolisaient la folie de ce commerce.

Au XVIIe siècle, le sol sablonneux des environs se révéla propice à la culture de haricots verts, d’asperges, de baies et de fraises. Il n’était alors pas encore question de cultiver des bulbes à fleurs à grande échelle. La culture des fleurs se limitait aux jardins des propriétés de campagne que des citadins prospères avaient fait construire. Une de ces propriétés s’appelait Keukenhof justement, près de laquelle des horticulteurs plantèrent plus tard, à partir du XIXe siècle, des bulbes de tulipes et hyacinthes à grande échelle.  En 1860, l’Algemene Vereeniging voor Bloembollencultuur (AVB) [Association générale pour la culture des bulbes à fleurs] fut fondée à Haarlem. 

Entre 1871 et 1886, Claude Monet séjourna à plusieurs reprises aux Pays-Bas.  En 1871, il écrivit à son collègue Pissarro : « (…) Nous avons parcouru presque toute la Hollande et vraiment, ce que j’en ai vu m’a paru beaucoup plus beau que ce que l’on dit. Zaandam est particulièrement remarquable et il y a de quoi peindre pour toute une vie (…) » (Lettre du 27 mai 1871). Monet ne s’est pas rendu aux Pays-Bas par hasard, nous dit l’ouvrage. Il a en effet déclaré qu’il considérait le Néerlandais Johan Barthold Jongkind comme son mentor : « C’est à lui que je dois l’éducation définitive de mon œil ». Son ami Eduard Manet était quant à lui marié à la Néerlandaise Suzanne Leenhoff. Monet fut profondément impressionné par les « champs énormes en plusieurs fleurs, merveilleusement beaux d’ailleurs, mais c’est à rendre fou le pauvre peintre. C’est irrendable avec nos pauvres couleurs » (Lettre de Claude Monnet à Theo Duret – La Haye, 30 avril 1886).  Pour admirer un des tableaux que Monet a peint en Hollande, cliquez sur ce lien.

Le peintre américain George Hitchcock (1850-1913) fut lui aussi totalement fasciné par cet univers floral hollandais. Il tomba sous le charme des champs de bulbes près d’Egmond, de la lumière si particulière qui se reflète sur la mer du Nord, des paysages de dunes et de la vie authentique des petites gens de la côte.

Les travaux un peu plus récents de Daniel Buren et d’Andreas Gursky démontrent quant à eux que l’intérêt pour ces paysages est toujours pleinement d’actualité.

Cet ouvrage est un véritable plaisir pour les yeux. On y découvre des œuvres à la fois d’artistes extrêmement célèbres (Monet, Mondrian, Van Gogh), et d’autres moins connus du grand public (Anton Koster, Ferdinand Hart Nibbrig, Theo Lohmann). Une invitation à rêvasser, tranquillement installé dans un confortable fauteuil tout en dégustant une agréable tasse de thé.

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Crédit illustration mise en avant dans le titre : Gerrit Willem Dijsselhof, Tulpenvelden, 1890-1922, 20 cmX35 cm – Leg A. van Wezel, Amsterdam. Rijksmuseum.

Tous droits réservés – ISSN 2967-8455

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