En voyage à Paris avec Willem van de poll

Certains soirs, on a franchement envie de s’échapper, de prendre la route et de partir au loin. Mais il est trop tard, il fait déjà nuit et plus aucune escapade n’est possible. Il ne reste plus qu’à patienter jusqu’au lendemain, au petit matin. Mais en attendant que le jour ne s’éveille, il faut rassasier, comme on peut, ce désir de départ. Par bonheur, la photographie est là pour apaiser cette soif de filer sur la route. Soudain, en feuilletant des images, apparaissent des automobiles comme si ma pensée prenait forme et se matérialisait sur le support que je contemplais.  Le moteur démarre, je m’assoie à côté du conducteur. En route pour Paris…avec Willem van de Poll.

Willem van de Poll (1895-1970) est un photographe de presse néerlandais originaire d’Amsterdam. Grand voyageur, il étudie à Vienne en 1919, puis réalise des reportages  en Allemagne, aux Antilles, en Égypte, aux Indes néerlandaises, en Islande, en Norvège, en Pologne et bien sûr aux Pays-Bas. Il fait partie des premiers journalistes néerlandais à avoir autant bourlingué à l’étranger. Les Archives nationales néerlandaises possèdent un fonds de plus de 30.000 clichés qu’il a pris tout au long de sa vie et dont beaucoup ont trouvé place dans des journaux et des magazines tels que De Spiegel, Panorama, Vogue, Harper’s Bazaar et tant d’autres.  Entre les deux guerres, il se revendique du mouvement appelé de Nieuwe fotografie dont l’objectif est de créer un rendu photographique qui se rapproche d’une composition picturale.

Willem van de Pol – Hans poseert, liggend op het balkon. Naast haar een strandbal, 1935. Nationaal Archief Inv. n°2.24.14.02

En 1935, Willem van de Poll se rend à Paris et réalise de splendides photos dont certaines ont été récemment publiées dans un ouvrage intitulé Willem van de Poll in Paris: Photographs of Paris in the early 20th Century. Au-delà des photos de mode qu’il prendra pour gagner sa vie, sa fascination pour les luxueuses automobiles transparaît dans son travail. Tout au long de sa vie, il s’attachera d’ailleurs à immortaliser sur des clichés particulièrement réussis tous types de moyens de transport.

Willem van de Poll – Student als taxichauffeur leest de krant – Nationaal Archief Inv. n° 2.24.14.02
Willem van de Poll – Beschrijving Moulin Rouge in Parijs bij avond, 1936 – Nationaal Archief Inv. n°2.24.14.02

Van de Poll se rendit à nouveau à Paris dans les années 60 et une fois de plus, il mit à l’honneur la voiture, mais sous un jour fort différent. Ce véhicule s’était alors démocratisé et on voit apparaître dans ses photographies des modèles cette fois-ci populaires et familiaux avec en arrière plan des barres d’HLM. Ici, une Ford Taunus 17 M (P3) qui rencontra un fort succès à l’époque.

Willem van de Poll – Uitgestalde koopwaar op de motorkap van een auto, 1965 – Nationaal Archief Inv. n° 2.24.14.02

La société de consommation s’était alors imposée dans le quotidien d’après-guerre des Français. La voiture subit une nouvelle transformation afin d’accueillir de la réclame d’un genre tout à fait amusant, mais aussi parfois quelque peu inquiétant comme sur cette photo : afin de faire de la pub pour une boutique de robes de mariée,  des mannequins en vitrine ont pris place à l’arrière d’une Renault Estafette customisée. Cette époque est bel et bien révolue…

Willem van de Poll – Rijdende etalage met bruidskleding – Nationaal Archief Inv. n°2.24.14.02

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En 1944,  Van de Poll devient le chef du Service photographique de la résistance, puis, il se tient aux côtés de Prins Bernhard, le mari de Juliana la Reine des Pays-Bas, qui commande les forces néerlandaises à la libération,  et l’accompagne lors de visites des villes libérées.  Il  photographie alors l’arrestation de collaborateurs, de femmes aux cheveux rasés, de soldats allemands. Beaucoup de ses images de cette période sont véritablement impressionnantes, pétrifiantes… 

Willem van de Poll – 11 avril 1945 à Deventer – Nationaal Archief n° inv. 2.24.01.03

La guerre finie, il devient le photographe officiel de la famille royale jusqu’à la fin des années 50 et saisit sur le vif aussi bien les visites d’État que des moments familiaux plus intimes. Les scènes redeviennent douces et insouciantes. On découvre une famille tout ce qu’il y a de plus normale. Les clichés semblent sortir tout droit d’un album de famille classique, bien loin de la vie des têtes couronnées que l’on aurait pu imaginer. Dans l’image ci-dessous, les princesses Beatrix – future reine des Pays-Bas – et Irene sont ainsi présentées tranquillement installées sur des matelas à même le sol dans leur résidence de vacances.

Willem van de Poll – Prinses Beatrix zit op een bed en prinses Irene ligt op een bed in het zomerhuisje, 1947 – Nationaal Archief – N°inv. 2.24.14.02
Willem van de Poll – Prinses Beatrix en prinses Irene aan de reling van een schip, 1947 – Nationaal Archief – Inv. n° 2.24.14.02

En 2005-2006, le musée de la photographie de La Haye a publié un très beau catalogue à l’occasion d’une rétrospective organisée pour commémorer les 35 ans de la mort de l’artiste.

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Il est déjà bien tard dans la nuit et toutes ces images, qui ont défilé sous mes yeux, me trottent toujours dans la tête. Mes paupières se ferment, doucement, mais résistent encore un peu au sommeil qui s’installe. Une dernière pensée. Demain, je partirai d’ici. Qui sait peut-être pour toujours vers un nouvel ailleurs, meilleur.

Tous droits réservés – ISSN 2967-8455


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Thomas Beaufils (19 novembre 2021). En voyage à Paris avec Willem van de poll. Patrimoine Nord-Nord-Ouest. Consulté le 6 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/se3s


2 réflexions sur « En voyage à Paris avec Willem van de poll »

  1. Je ne connaissais pas le musée de la photographie de La Haye, le seul qui me vienne à l’esprit au Benelux est celui de Charleroi, qui mérite bien une visite. Sinon, un peu plus près de chez moi, le musée Nicéphore Niepce à Chalon-sur-Saône.
    Ces photos de Paris où, pour ce qui est de la place Pigalle, seules les voitures (ou presque) nous informent du passage du temps, sont magnifiques.
    Les images de la petite Beatrix âgée de 9 ans (où l’on commence à reconnaître ses traits) et celle, poignante, de la scène d’humiliation lors de l’épuration, présentent également beaucoup d’intérêt.
    En somme, une bien intéressante première approche de ce Doisneau batave.

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